Elle est le vent furieux

15 février 2021

Elle est le vent furieux
de Sophie Adriansen
Marie Alhinho
Marie Pavlenko
Coline Pierré
Cindy Van Wilder
et Flore Vesco

Ed. Flammarion
2021 / 15€ / 317 p.

La 4ème de couverture : « La voix de Dame Nature chuintait comme le vent dans un arbre creux.
- Ils ne méritent pas les beautés que je leur offre. Il est temps qu’ils goûtent à ma fureur.
- Bien ma Dame, il sera fait selon vos ordres. »

Six autrices prêtent leur voix à la Nature.
Sophie Adriansen . Monkey Palace - La revanche des singes
Marie Alhinho . Sauvée des eaux
Marie Pavlenko . Naître avec le printemps, mourir avec les roses
Coline Pierré . Nos corps végétaux
Cindy Van Wilder . Extinction Games
Flore Vesco . Le récit recyclé.

Mon avis : Elle est le vent furieux est un recueil de six nouvelles écrites par six autrices françaises de littérature pour ados, sur le thème de l'urgence climatique. Chacune à leur manière, elles nous livrent un récit qui nous montre un potentiel futur proche. Un futur gravement impacté par le réchauffement climatique, par le fait que les hommes maltraitent la planète et qu'ils n'en prennent pas conscience.

Les récits sont articulés autour d'une introduction et d'une conclusion, écrites par Marie Pavlenko, l'autrice à l'origine du projet. Dame Nature est mécontente de ce que les hommes font subir à la Planète... alors elle décide d'agir pour qu'ils changent de comportement.

Dans Monkey Palace - La revanche des singes, Sophie Adriansen nous emmène sur l'île de Bornéo, dans un grand hôtel aux plages paradisiaques. Les touristes français y sont rois, quitte à malmener la nature environnante. Mais si les singes décidaient de reprendre la place qui leur est dû ? Un récit de science-fiction... qui pourrait devenir réalité ! Si vous avez lu L'été du changement, vous y trouverez des similitudes...

Avec Sauvée des eaux, Marie Alhinho nous livre un récit à l'écriture particulière. Des vers, un tutoiement adressé au narrateur. Je n'aime pas trop ce style, j'ai donc mis un peu de temps à entrer dedans mais ensuite je me suis laissée prendre par l'histoire. La jeune narratrice a dû fuir Cuba avec sa mère et sa grand-mère à cause de la montée des eaux, et qui se retrouve dans un quartier de la Nouvelle-Orléans inondé et dirigé par un malfrat qui contrôle l'eau potable, la nourriture, les médicaments, le travail. Il s'agit de questionner ce qu'on est prêt à faire pour survivre, et dans quelles conditions...

Dans Naître avec le printemps, mourir avec les roses, Marie Pavlenko imagine un printemps qui n'en est pas un. Le récit nous est contemporain, c'est le printemps et il se passe quelque chose d'inhabituel... Rien de pousse : pas de fleurs, pas de bourgeons. Les oiseaux migrateurs n'arrivent pas. La jeune narratrice s'inquiète mais les adultes lui disent que ce n'est rien, que ça va venir. Sauf que non, le printemps n'arrive pas. Alors chacun fait des réserves et s'organise, car sans printemps, il n'y a plus d'alimentation... Cette nouvelle fait écho, pour moi, à ce qui s'est passé il y a un an avec le coronavirus... Au début on ne s'inquiète pas trop, on se dit que c'est trop gros, que ce n'est pas possible, et puis au fil des semaines on réalise qu'il y a bien quelque chose qui se passe sur toute la planète et qu'on ne peut pas faire comme si de rien n'était.

Avec Nos corps végétaux, Coline Pierré nous livre un récit de science-fiction poétique. C'est la nouvelle que j'ai préférée. Assia et Solveig sont colocataires. Un jour, elles remarquent que leur peau bourgeonne. Des petites tiges, des bourgeons, de plus en plus gros, poussent depuis leurs corps, l'une sur les bras, l'autre sur les jambes. Petit-à-petit, l'ensemble de la population ou presque est touchée. Tout le monde s'interroge : est-ce une maladie ? Une nouvelle étape de l'évolution ? Et comment vivre avec cette mutation ? En prendre son parti, comme Assia, ou se cacher du monde, honteuse, comme Solveig ? J'ai trouvé l'idée vraiment originale, je n'avais jamais lu ça ailleurs.

Dans Extinction Games, Cindy Van Wilder met en scène Gaïa, en colère contre les humains qui détruisent la planète. Soledad et Awjad ne se connaissent pas mais luttent à leur manière pour dénoncer les méfaits de la pollution. Soledad en dénonçant les paquebots de croisière, Awjad en manifestant contre une immense décharge. Tous les deux sont dans l'illégalité, alors qu'ils souhaitent seulement montrer que la planète est en danger. Mais Gaïa va intervenir pour que leur message soit entendu...

Enfin, dans Le récit recyclé, Flore Vesco nous parle d'une époque bien plus lointaine. Les arbres ne poussent plus à cause d'un virus. Il n'y a donc plus de papier, et plus de livres. Comment faire pour continuer à lire des histoires et à écrire des récits ? La jeune narratrice est chargée d'écrire des choses en tissant du papier venu des vieux livres encore existants. Cette histoire est assez différente des précédentes, j'ai eu plus de mal à entrer dedans. Mais j'ai beaucoup aimé l'idée et le principe d'écriture, expliqué à la fin, est super intéressant.

L'ensemble de ces nouvelles forme un récit qui nous alerte sur l'urgence de faire changer les choses. C'est maintenant qu'il faut prendre conscience de ce qui ne va pas, c'est maintenant qu'il faut agir pour changer cela. Plus tard, il sera trop tard. Ces nouvelles sont toutes très différentes les unes des autres, que ce soit sur la forme ou sur le fond. Mais l'ensemble est très réussi, le message passe bien.

Des sujets secondaires sont bien présents en filigrane, le féminisme, le rapport aux animaux, l'homosexualité... Le fait que ce soit un collectif de femmes qui écrit n'est pas anodin. On sent également l'influence de 2020, du covid-19, de la pandémie et de ce que cela a impliqué pendant cette dernière année.

J'espère que mes élèves seront sensibles à ces histoires qui vont très bientôt rejoindre le CDI !

De Sophie Adriansen, j'ai déjà présenté Le test, Lise et les hirondelles, Max et les poissons, Rackette-moi si tu peux, Hors piste, Les grandes jambes, Papa est en bas, Je ne suis pas un héros, Ailleurs meilleur, La vache de la brique de lait, L'été du changement, Linéa Nigra.