Je suis CharLiberté !
Je suis CharLiberté !
d'Arthur Ténor
Ed. Scrinéo
8,90 € / 2016 / 124 p.
Le résumé de l'éditeur : Choqué par les attentats du 7 janvier 2015, et particulièrement par le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, un collégien de 15 ans prend brutalement conscience que les valeurs de la République, ses valeurs sont en danger. Sa réaction est de créer un journal satirique, avec trois camarades de sa classe de 3ème, dont un dessinateur talentueux.
Pourtant, très vite ils doivent faire face à des réactions qui visent à réduire, voire anéantir leur libre expression. Que ce soit de simples appels à « ne pas froisser les susceptibilités », aux accusations les plus délirantes, rien ne les fait dévier de leur volonté de faire de Charliberté, un lieu d’expression ouvert, et où l’on se marre.
Les plus virulents de leurs détracteurs ne supportent pas ces « intellos » qu’ils ne comprennent pas. C’est une bande de quatre garçons en perdition sociale et même humaine. À leur violence verbale, vient s’adjoindre celle des ultra-religieux opportunistes. Tout est mélangé, dénigré, déformé, sans parvenir à empêcher Charliberté de conquérir un lectorat grandissant. Et au fond, tout va bien, puisque c’est ça la démocratie : des débats, des confrontations d’idées et de convictions, des oppositions parfois musclées… dans l’acception des vérités de chacun.
Mon avis : Voici un petit roman prometteur que je me devais d'acheter pour le CDI. Les attentats de Charlie Hebdo sont encore peu présents dans la littérature jeunesse, et le thème de la liberté d'expression est important et doit être exploité par nos élèves.
Cependant, j'ai été très déçue par ce roman. Je l'ai trouvé plein d'approximations, avec continuellement "Madame Le principal" alors qu'aujourd'hui on dit très clairement "Madame La principale", le journal est vendu dans le collège avec l'aval des profs alors que c'est totalement interdit (même si ça s'arrête rapidement), un élève propose de créer une "commission des lycéens" alors que ce sont des collégiens, un des collégiens à des tatouages (ça me paraît peu crédible à cet âge là)... et j'en passe. Les propos du fameux journal créé par les élèves m'ont paru très obscurs. Ils expliquent "dire la vérité", "sans donner leur opinion" mais les sujets choisis sont super polémiques et les personnages principaux passent leur temps à juger ceux qui sont différents d'eux. De même, ils ne semblent pas comprendre que des adultes et des élèves puissent être vexés qu'ils soient caricaturés dans leur journal, alors que personnellement ça me parait quand même logique.
En fait tout au long du récit j'ai eu l'impression d'être dans le flou car tout tourne autour de ce qui est écrit dans leurs journaux mais le lecteur ne connaît pas le contenu. De même j'ai trouvé que tout allait beaucoup trop loin, imaginer que des élèves soient prêts à en tuer d'autre à cause d'un journal qui ne parle même pas explicitement d'eux ?! Ca me paraît quand même un peu trop gros, ou en tout cas je trouve que du coup ça perturbe le propos sur la liberté d'expression des collégiens.
Personnellement, j'aurai préféré que les charlibertaires, ceux qui rédigent le journal, soient davantage remis en cause par les autres élèves ou par les profs afin qu'ils se rendent réellement compte que l'on ne peut pas tout écrire sans conséquence ; qu'il y ait des débats et que leur avis évolue afin que leur journal soit de mieux en mieux. Là, je les ai trouvés hyper prétentieux, en fait, hyper "intellos" même si c'est une insulte que mes élèves utilisent souvent et que je déteste. Ils ne se remettent pas en question et se moquent de tout ceux qui ne sont pas aussi intelligents qu'eux.
J'ai trouvé les élèves vraiment très matures, utilisant un vocabulaire super complexe. Je suis absolument convaincue que mes élèves ne pourraient pas du tout s'exprimer ainsi, d'ailleurs il y a énormément de mots qu'ils auront du mal à comprendre. Les débats menés par le profs de français vont assez loin, je ne sais pas s'il existe des profs qui font ce genre de débats, mais nous on a quand même des consignes pour ne pas parler de religion par exemple. Là le prof met beaucoup de temps à recadrer si bien que chacun a le temps de développer ses théories religieuses (ou non).
L'auteur semble avoir voulu recréer les problématiques de Charlie Hebdo avec un groupe d'ados : ne rien lâcher, camper sur ses positions, ne pas céder face à la pression politique ou religieuse, quitte à en payer les conséquences. Sauf que là ce sont des enfants et qu'ils parlent de leur collège. Par exemple l'enfant qui est méchamment caricaturé alors qu'il est discret et n'a rien demandé à personne et dont la narratrice se moque parce que son père est venu se plaindre... je trouve que ça n'a rien à voir avec un homme politique, qui sait à quoi s'attendre en étant une personnalité publique.
Bref, pas convaincue même si ce roman peut être intéressant à faire lire aux collégiens et que je le conseillerai probablement à mes élèves.
D'Arthur Ténor, j'ai déjà présenté Il s'appelait... le soldat inconnu, L'enfer au collège et La théorie du complot.
+ d'infos :
-La présentation de l'éditeur
-L'avis de Lirado
-L'avis de Lottie
-L'avis de Takalirsa