Les Oliviers du Négus
Les Oliviers du Négus
de Laurent Gaudé
Ed. Actes sud
17,00€ / 2011 / 158 p.
La 4ème de couverture : Un vieil homme croit entendre chevaucher Frédéric II dans le royaume des Enfers. Un centurion marche vers une Rome gangrénée dont il devance l’agonie. Un soldat des tranchées fuit le « golem » que la terre a façonné pour punir les hommes. Un juge anti-mafia tient le compte à rebours de sa propre exécution…
Dans la proximité de la guerre ou de la mort surgissent ces quatre récits où les héros – certes vaincus, mais non déchus – prononcent d’ultimes paroles. Ils veulent témoigner, transmettre ou sceller des adieux. Minuscules fantassins de la légende des siècles, ils affrontent une histoire lancée dans sa course aveugle. Et ils profèrent la loi tragique – celle de la finitude – qui, au-delà de toute conviction, donne force et vérité à leur message. D’où la dimension orale de ces textes qui revisitent la scène de l’œuvre romanesque et, de Cris à La Porte des Enfers, réorchestrent des thèmes chers à Laurent Gaudé, auxquels la forme brève donne une singulière puissance.
Mon avis : Ce recueil est composé de quatre nouvelles :
Les Oliviers du Négus m’a beaucoup fait penser au Soleil des Scorta. L’ambiance est la même, dans un village d’Italie, entouré de champs d’oliviers. Les habitants aussi se ressemblent. Ils sont durs, secs comme la terre. Le Négus est un vieil homme qui vient de mourir. A cette occasion, le personnage principal, un jeune homme arrivé au village dix ans plus tôt et qui était devenu son ami, se remémore tous les souvenirs que lui racontait le Négus qui avait été rejeté par le village lors de son retour de « la Campagne d’Ethiopie ». Il est question de mémoire, de folie, de fantômes et de la terre, cette terre qui fait pousser les oliviers centenaires qui vivent l’Histoire et s’en souviennent.
Le Bâtard du bout du monde se passe beaucoup plus loin, en Grande-Bretagne, le long du mur d’Hadrien. Mais l’époque n’est pas la même non plus. Le personnage principal est un centurion romain venu occuper un fort et surveiller les Barbares du Nord. On pourrait néanmoins dire qu’il est encore une fois question d’Italie… Le centurion a soif de découverte et se rend au-delà du mur pour voir ce qui s’y trouve (à lire cette nouvelle, j’ai beaucoup pensé à GoT pour lequel je n’avais jamais fait le lien avec le mur d’Hadrien mais maintenant c’est chose faite !) Il va y trouver bien plus que ce qu’il imaginait. Et c’est avec la mort elle-même qu’il reviendra au fort, puis à Rome. Une nouvelle comme une tragédie qui amène son implacable destin : la mort est au rendez-vous, personne ne peut y échapper.
Tombeau pour Palerme met en scène un juge dont le frère jumeau, également juge, vient d’être assassiné. Il sait qu’il n’en a plus pour longtemps, que la mort va le rattraper comme elle a rattrapé son frère. Tous deux se battent contre la même chose – la mafia, c’est sous-entendu – et ce juge sait qu’il n’y a pas d’échappatoire. Mais il essaye de profiter d’encore un peu de liberté, de sa ville et de ces terres qui sont à lui et à tous, qui n’appartiennent à personne même si tout le monde se bat pour elles.
Je finirai à terre est une nouvelle que j’ai trouvé un peu différente des autres, probablement parce qu’elle n’évoque pas l’Italie. Celle-ci se passe pendant la première guerre mondiale. La terre est ravagée par les bombardements et les tranchées et elle ne supporte plus cet affront. Alors elle se venge. Le golem de glaise apparait et il ne reste que la peur pour les hommes. Si cette nouvelle ne parle pas d’Italie, il est cependant encore une fois question de la terre qui reprend ses droits, de cette terre qui est bien plus légitime que les hommes qui vivent dessus, de la terre qui voit tout, qui sait tout, qui n’oublie rien et qui passe les époques, immortelle. J’ai beaucoup aimé cette dernière nouvelle qui nous parle de la guerre de façon originale. Après Cris, qui, sur le même thème, évoquait les horreurs de la guerre à travers le point de vue de différents soldats terrassés par la guerre, Je finirai à terre nous livre un point de vue différent et original : celui de la terre elle-même, du sol qu’on agresse alors qu’il n’a rien demandé à personne ; avec une petite pointe de fantastique en bonus.
Ce billet participe, avec cette nouvelle, au challenge de Stéphie « Une année en 14 » (18).
Comme à son habitude, Laurent Gaudé nous livre des récits coups de poing, dont l’écriture est parfaitement maîtrisée. Si j’ai toujours moins de plaisir à lire des nouvelles que des romans, je dois avouer que celle-ci ne m’ont vraiment pas laissée indifférente ! Avec un petit coup de cœur pour Je finirai à terre.
Merci Perrine ! ;-)
+ d’infos :
-La présentation de l'éditeur
-L'avis de Leiloona
-L'avis de Stéphie