Laver les Ombres
Laver les ombres
de Jeanne Benameur
Ed. Babel
6,60€ / 2010 / 156 p.
La 4ème de couverture : Lea danse, jetée à corps perdu dans la perfection du mouvement. Elle est chorégraphe par nécessité. Lea aime, mais ne peut s'abandonner à Bruno, peintre de l'immobile. En pleine tempête, elle part vers l'océan retrouver sa mère celle qui s'est toujours tue. Alors ont lieu l'épreuve de la parole et celle de l'écoute. Jusqu'où une mère peut-elle dire ? Jusqu'où une fille peut-elle entendre ? C'est ce péril fertile de la parole partagée qui est au coeur du roman. Il conduira au corps d'une jeune fille de seize ans livré dans une maison close pendant la guerre, à Naples. Il conduira à l'enigme de l'amour qui consent et soumet. Il conduira au mystère de l'enfantement. Par le jeu de onze tableaux dévoilant la vie des absents en contrepoint de la ligne narrative, dans une langue retenue et vibrante, Jeanne Benameur chorégraphie les secrets de la transmission et la fervente assomption des mots qui délivrent.
Mon avis : Nouvelle lecture de Jeanne Benameur, nouveau coup de poing. Dans ce roman, il est question de corps et de parole. Léa est danseuse, elles est "chorégraphe par nécessité". Son corps, elle a besoin de le maîtriser totalement. Pour cela, elle s'entraîne, chaque jour, dans sa pièce mansardée qui donne sur le ciel de Paris. Elle ne peut pas s'abandonner. Elle le voudrait, pourtant. Elle voudrait poser pour Bruno le peintre, elle aimerait que ça marche entre eux. Mais comme à chaque fois, elle sait qu'elle va tout détruire, car elle doit contrôler son corps, elle ne peut pas se laisser aller, elle n'y arrive pas. Il est question également du corps de sa mère, Romilda. Un corps que Léa aime, un corps qui lui a donné les intonations, qui l'a transformé en danseuse. Mais un corps qu'elle connaît si mal finalement. La parole sera là pour réparer ce manque. Et lorsque Romilda-Suzanne se met à parler, après tant d'années, c'est pour dire des choses que Léa aurait peut-être aimé ne jamais entendre. La tempête qui fait rage dans les rues de ce village de bord de mer est une métaphore de celle qui monte en Léa alors qu'elle écoute sa mère lui raconter. Léa écoute et sait qu'elle ne verra plus jamais sa mère, son père, de la même façon. C'est comme si la part d'enfance qui lui restait venait de s'envoler.
Ce roman parle également de solitude, du fait que l'on est toujours seul, même si l'on aime. Le rythme du texte est important. Il est hachuré, il se lit vite et en même temps on prend le temps de le savourer. C'est un roman qu'il faut découvrir lentement et pour lequel il faut s'abandonner. Un roman dans lequel on entre totalement, de la première à la dernière page.
Comme d'habitude avec Jeanne Benameur, c'est simplement magnifique.
"Il regarde le ciel par la fenêtre.
Le gris pâle des nuages.
Il mesure qu'il aime pour la première fois. Et c'est violent. Parce que, dans le même tems, il mesure à quel point chacun est seul.
[...]
On croit qu'il suffit d'aimer pour faire corps avec le reste. C'est faux.
Dans la lumière rasante de cette fin de journée, il apprend qu'il aime et que cela ne suffit pas." (p. 114-115)
"Sans son livre là-bas, elle serait morte tout à fait.
Quand elle lisait, il n'y avait plus de Suzanne, plus de Romilda Elle vivait dans le nom de l'héroïne. Personne ne peut empêcher de vivre dans les lettres écrites. Personne." (p.124)
"Pieds nus devant la mer, on est toujours une petite fille." (p.152)
Un autre, vite !!
+ d'infos :
-La présentation de l'éditeur
-L'avis de Noukette
-L'avis d'Anne
-L'avis de Marion
-L'avis de Leiloona
-L'avis de Stephie
-L'avis de Clarabel
Ce billet participe au challenge Jeanne Benameur organisé par Noukette