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26 décembre 2011

Les MOrues

Les_Morues_Titiou_LecoqLes Morues
de Titiou Lecoq

Ed. Au diable Vauvert
22€ / 2011 / 449 p.

La 4ème de couverture : C'est l'histoire des Morues, trois filles et un garçon, trentenaires féministes pris dans leurs torpitudes amoureuses et professionnelles. Un livre qui commence comme un hommage à Kurt Cobain, continue comme un polar, vous happe comme un thriller de journalisme politique, dévoile les dessous de la privatisation des services publics et s'achève finalement sur le roman de comment on s'aime et on se désire, en France, à l'ère de l'Internet. C'est le roman d'une époque, la nôtre.

Mon avis : Ce livre me faisait de l'oeil depuis longtemps, les critiques positives et la magnifique couverture m'attiraient, et c'est encore une fois Babelio qui m'a permis de faire cette belle découverte.

Pour commencer, je dois dire que je n'ai pas du tout accroché au début du bouquin. Ca commence comme de la chick litt et il est clair que la chick litt ce n'est pas mon truc ! Le groupe de copines trentenaires qui se retrouvent pour parler sexe et shopping, très peu pour moi. Heureusement, Les morues, ça ne se réduit pas à de la chick litt ! D'ailleurs si j'avais lu la 4ème de couverture avant aujourd'hui, je l'aurai su.

Passé les 50 premières pages un peu lourdes (la meilleure amie d'Ema s'est suicidée, les amis se réunissent pour en parler et se remémorer leurs années lycées...), on entre enfin dans le vif du sujet : Ema est persuadée que Charlotte a été assassinée; elle va donc mener l'enquête avec son ami Fred qui sera vite intégré au groupe des Morues. S'ensuit une réflexion sur les choix gouvernementaux actuels, le féminisme, les relations homme/femme, la célébrité, Internet.. Bref, toutes les préoccupation contemporaines.

"Sa robe était de saison et ses nouvelles bottines lui donnaient l'impression de conquérir le monde - impression confirmée par le passage  des éboueurs qui la sifflèrent gentiment. Finalement, ses satisfactions les plus simples (je me sens jolie, il fait beau, je suis bien) tenaient à des futilités affligeantes (nouvelles chaussures, soleil, cigarette). Saloperie de société de consommation." (p.98)

C'est ce mélange de différents genres qui, selon moi, fait tout l'intérêt de ce livre. Parce que justement dans la vraie vie, on ne met pas tout de côté pour mener une enquête, on ne pense pas qu'à ses amis, ou qu'à son travail, on ne parle pas que de politique. Non, dans la vraie vie, on passe d'une discussion sur le gouvernement, à une autre sur ses relations amoureuses. On a une soirée alcolisée mais le lendemain on doit aller au boulot. Et ce livre est construit ainsi. Il s'intéresse à tout un tas de choses qui peut intéresser des trentenaires lambdas. Il paraît réaliste, et personnellement, j'aime ça. Alors bien sûr les personnages sont un peu clichés. Ema et Fred, les deux héros, alternent entre la normalité et l'exceptionel, pendant que les autres personnages, pourtant bien caractérisés, paraissent un peu trop stéréotypés, mais attachants tout de même.

"C'est pas parce que les gens ont des faiblesses que ça en fait des arnaques. Ou alors on est tous des arnaques vivantes." (p.159)

J'ai vraiment beaucoup aimé toute la reflexion politique, la façon de montrer que notre monde va mal sans pour autant en faire un essai indigeste. En gros, l'auteur parle de la RGPP - révision générale des politiques publiques - à savoir la privatisation de nombreux secteurs publics (musées, hopitaux, Pôle Emploi, Education Nantionale...). C'est passionnant, bien expliqué, et surtout très bien intégré à l'histoire, pas lourd du tout. Ca donne envie de s'intéresser de plus près à tout cela.

"Il faut tenter des choses dans la vie.
Sinon, c'est pas vraiment la vie.
" (p.348)

J'ai aussi beaucoup aimé la réflexion philosophique sur le féminisme et sur les relations homme/femme qui est distillée tout au long du roman et qui est bien développée à la fin. Je suis tout à fait d'accord avec les propos de l'auteur. Les Morues, c'est en fait une histoire du féminisme moderne. De femmes qui veulent être libres, libérées des hommes et de la pression sociale, mais qui ne le sont pas. Car homme ou femme, la pression sociale est bien là et personne ne peut y échapper. C'est pour cela qu'Ema est sur le point de craquer car allier féminisme, conventions sociales et désirs personnels est complètement impossible ! D'ailleurs nos désirs personnels ne sont-ils pas parfois en totale contradiction avec nos idéaux ? De même, Fred, le seul personnage qui avait un tant soit peu réussi à vivre en harmonie avec tout cela est finalement rattrapé par les conventions mais aussi, et surtout, par ses envies, différentes de ses idéaux.

"Sodomie et canicule ne faisaient pas bon ménage." (p.268)

Bref, rien n'est simple et ce livre n'apporte pas de solution, bien au contraire :-)

"Quelqu'un qui ne trouve pas que la vie est formidable et le monde magique. Quelqu'un qui préfère encore sa solitude à vos rapports factices. Quelqu'un qui n'a pas une vie intéressante. Quelqu'un qui ne veut pas faire partie des vôtres. Quelqu'un qu'il vaut mieux ignorer. Quelqu'un qui sait n'être là pour rien. Et se sent parfois écrasé par cette inutilité. Quelqu'un de transparent. Translucide. Et qui ne veut même pas vivre dans vos regards. Quelqu'un qui mourra un jour et dont personne ne se souviendra.
Quelqu'un comme vous. C'est-à-dire personne." (p.339)

 

Dans ce livre il y a également une réflexion sur Internet, ou plus précisément sur les réseaux sociaux et la blogosphère. Le phénomène est ici décrit à l'extrême mais c'est assez intéressant et surtout incontournable dans un roman qui veut parler des préoccupations d'aujourd'hui.

 

"Plus étonnant, les gens qui [...] étaient les mêmes que dans la "real life" paraissaient miraculeusement tous plus beaux, plus drôles, plus intelligents." (p.166)

 

Une petite remarque négative quand même : je n'ai pas trop aimé la façon de citer de grands textes littéraires. Bien sûr, ça me parle et d'ailleurs je les ai trouvés très bien choisis. Mais j'ai fait des études de lettres, ce qui n'est pas le cas de tous les lecteurs, et je peux comprendre que ça en énerve certains.

 

"[...] la nuit irréaliste avec Gabrielle/Nadja, [...]" (p.325)

 

De même, je n'ai pas spécialement trouvé de l'intérêt aux playlists de fins de chapitres car je ne lis pas avec mon ordinateur à portée de main. Je ne connaissais presque aucun titre et ne suis pas allé en écouter un seul (toutefois je n'ai pas trouvé ça gênant ;-)

"Je crois que... je crois qu'on s'entend vraiment bien.
Bref, c'est la merde.
" (p.76)

J'ai depuis longtemps l'habitude de corner le bas des pages sur lesquelles j'ai remarqué un propos ou une phrase qui m'intéressait. Et voilà l'état de mon exemplaire :

IMG20111226_001

Donc je ne vais pas vous rapporter toutes les citations qui ont retenu mon attention, mais quand même encore quelques unes :

"Il y avait trop de changements dans sa vie, ces derniers temps. Il avait besoin de revenir à ses fondamentaux, solitude et jeux vidéo." (p.190)

"Il transpirait le sperme moisi et desséché.
Inutilisé et inutilisable.
" (p.288)

"Bien sûr, il y avait le facteur "on est amoureux" qui déjà, à la base, foutait tout en l'air. On est amoureux donc on veut passer tout notre temps ensemble, donc on néglige nos vies individuelles au profit de l'entité couple." (p.395)

Pour finir, je voudrais redire que ce livre est pour moi un coup de coeur (il ne faut pas s'arrêter aux premières pages !) Mais je comprend que les amateurs de chick litt n'y ai pas trouvé leur compte (la couverture est trompeuse mais je l'avais compris ainsi). Je découvrirai avec plaisir le prochain livre de Titiou Lecoq, et en attendant son blog a rejoint mon agrégateur de flux.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Au Diable Vauvert !

+ d'infos :
-La présentation de l'éditeur
-Le blog de Titiou Lecoq
-La critique d'Enna
-La critique de Tilly
-La critique de Chtimie
-La critique de Mabiblio1988
-La critique de Miss Alfie
-La critique de Marianne Desroziers
-La critique de Nina
-La critique de QuiLitTout
-La critique de Miss G
-La critique de Marie-Pierre Soriano
-La critique de l'addicte

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Commentaires
S
Premier avis que je lis sur ce roman, on peut dire qu'il est enthousiaste ! Je note, je l'achèterai sûrement pour le lycée ! ;)
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S
j'ai beaucoup aimé ce bouquin, avec en plus le plaisir de rencontrer l'auteur, à la Fête de l'Huma. Moi aussi un peu de mal à rentrer dedans et l'impression de m'être trompée, mais au bout du compte un livre qui va circuler. Mais ce genre de livre n'aide pas à réviser le concours !!! Merci pour ton blog, continue, c'est un plaisir de te lire. Belle fin d'année.
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J
Moi je dois dire que ce genre de livre c'est pas vraiment ma tasse de thé... en revanche lire ta chronique est un moment unique de drôlerie et de fraîcheur! Tu me fais trop rire!:)<br /> <br /> Et il faut bien dire qu'une fille qui écornerait mes livres de cette façon, c'est un cas de divorce immédiat, féminisme ou pas!;)Je vais créer la SPL (la Société Protectrice des Livres) contre les Petites Noisettes!
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M
Tiens, c'est rigolo, moi aussi je corne le bas des pages ! <br /> En tout cas, tu m'intrigues avec ce livre et ton analyse très fine me donne bien envie de le lire à mon tour.
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