03 septembre 2007
Une autre école
Le Monde de l'éducation de cet été (juillet-août 2007, n°360) présente différents personnages ayant essayé de changer l'école.
http://www.lemonde.fr/mde/anciens/ete2007.html
voici donc un résumé de ce numéro très intéressant:
PARTIE 1: LES PENSEURS
Apprendre à être heureux ensemble
Robert OWEN (1771-1858): Penseur gallois ayant créé une école-laboratoire près de son usine de filature. Quelques principes qu'il met en place: ne jamais battre les enfants, ne jamais les menacer. Leur faire comprendre l'importance d'être aimables entre eux. Leur faire découvrir la vie qui les entoure. "Avant l'âge de 12 ans, on peut aisément amener à acquérir une vue d'ensemble exacte de toutes les connaissances auxquelles les hommes sont déjà parvenus. [...] C'est seulement ainsi qu'il pourra prétendre au nom d'être rationnel". Owen tente de mettre en place des coopératives. Il est l'un des représentants du "socialisme utopique".
Biblio: Le livre du nouveau monde moral (1834-1845)
+ d'infos: http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Owen
A l'école de l'utopie
Article de Thierry PAQUOT (philosophe): Owen pense que l'éducation libère l'individu des contraintes que la vie sociale et les conditions du travail imposent. Il considère l'école comme une "manufacture du caractère". Les utopistes des 17ème et 18ème siècle ébauchent des plans pour une éducation idéale, avec ou sans école. Pour Saint-Simon, l'éducation peût être considérée "comme étant l'enseignement continu des connaissances indispensablement nécessaires à l'entretien des relations établies entre les membres qui composent la société". Charles Fourier voudrait que l'intéraction et la responsabilité soient mobilisées en permanence afin de permettre à chacun d'être lui-même. Selon Etienne Cabet, "l'éducation est tout ou presque tout, et sans elle l'homme n'est rien ou presque rien". L'autodiscipline est préférée à la discipline tout comme le plaisir d'apprendre est préféré à la contrainte. Tous ces utopistes considèrent l'enfant comme un être humain à part entière, avec une sexualité, des désirs, des droits et des devoirs. La mixité n'est pas systématique en utopie, même si la plupart des utopistes sont convaincus de l'égalité entre les hommes et les femmes et de la nécessité de libérer les femmes pour libérer les hommes. Parmi les utopies de l'ère industrielle on distingue deux tendances: l'une qui mise sur l'administration publique et un système normé, l'autre qui incite à l'initiative de chacun au sein de projets privés.
Biblio: Utopies et utopistes, Thierry Paquot (2007)
Apprendre en faisant
John DEWEY (1859-1952), philosophe et sociologue américain. Il pense que l'école doit inculquer aux enfants le sens de la liberté et de la démocratie. Selon lui il faut modifier radicalement les programmes. D'après l'observation de l'école expérimentale qu'il a mise en place, il élabore les principes d'une nouvelles pédagogie. Son principe est que l'école doit refléter la révolution industrielle et le développement de la démocatie. Une des premières bases sera donc "apprendre en faisant". Trois choses doivent être modifiées à l'école: les matières enseignées, la façon dont les maîtres enseignent, et la namières dont les élèves les apprennent. Il faut intégrer l'école à la vie.
Biblio: Mon crédo pédagogique (1897), L'école et la société (1900), Comment nous pensons (1909), L'école et l'enfant (1913), Démocratie et éducation (1917).
+ d'infos: http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Dewey
La démocratie ne s'arrête pas à la porte de l'école
Interview de Marcel GAUCHET (philosophe et historien) : Selon lui, John Dewey est l'un des plus grands philosophes de l'éducation. Il est l'inventeur du learning by doing. A la même époque en Europe, "l'éducation nouvelle" est portée par Ovide Decroly et Maria Montessori. Mais celle-ci s'oriente différemment puisqu'elle passe par la connaissance des différents stades du développement psychologique et intellectuel de l'enfant. Cette conception est incarnée par Jean Piaget et Edouard Claparède. La démocratie ne doit pas s'arrêter aux portes de l'école puisqu'elle va à l'encontre de l'idéal aristocratique de transmission par la tradition. Selon Dewey, l'enfant apprend constamment de sa propre "expérience" et doit donc se préparer à un métier puisque c'est le rôle qu'il jouera dans la société démocratique. L'école est ainsi plus proche du monde extérieur. Cependant on constate que le concept d'"expérience", cher à Dewey, ne permet pas de dépasser tous les problèmes. En effet, la séparation persiste entre école et société. Il faut actualiser le concept d'"expérience" en acceptant ses limites (il est par exemple peu pratique dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture).
+ d'infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Gauchet Son blog: http://gauchet.blogspot.com
Promouvoir une éducation libératrice
Paolo FREIRE (1921-1997) : Il prône le dépassement de la contradiction éducateur/élèves. Dans la conception "bancaire" qu'il critique, selon laquelle l'éducation est l'acte de déposer, de transférer, de transmettre des valeurs et des connaissances, on ne constate pas ce dépassement. Plus les élèves s'emploient à archiver les dépôts qui leur sont remis, moins ils développent en eux la conscience critique qui permettrait leur insertion dans le monde. Plus on leur impose la passivité, plus, au lieu de transformer le monde, ils tendent à s'y adapter. Paolo Freire a mis au point une pédagogie centrée sur la compréhension par l'enfant de son propre milieu, qui a insipré le plan national brésilien d'alphabétisation, en 1963.
Biblio: Pédagogie des opprimés (1974)
+ d'infos: http://fr.wikipedia.org/wiki/Paulo_Freire
Créer ensemble ses propres savoirs
Interview de Miguel BENASAYAG (philosophe et psychanalyste): Paolo Freire considère que les dimensions magiques, spirituelles et imaginaires des croyances ne relèvent pas de l'ignorance, qu'il s'agirait de vaincre par les Lumières. Selon lui il n'y a pas d'obscurantisme. Miguel Benasayag met en pratique les idées de Paolo Freire, en commençant par un bidonville argentin. Sa méthode consistait, non pas à alphabétiser des citoyens passifs, mais à mettre des mots sur une expérience, à l'agencer à un savoir. Selon lui, dans la relation pédagogique, celui qui fait face au professeur est porteur d'un immense savoir que celui-ci doit aider à accoucher et qu'il doit mettre en forme lui-même: c'est par là que commence l'émancipation. A l'origine on pensait que l'éducation servait à éloigner les peuples de la barbarie. Depuis la 2nde guerre mondiale, l'idée selon laquelle celui qui pense bien agit bien a été invalidée. C'est par le local que l'éducation nationale pourra sortir de la crise.
Biblio: La fragilité (2004), Connaître et agir : paysages et situations (2006)
+ d'infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_Benasayag
En finir avec l'institution scolaire
Ivan ILLICH (1926-2002) : L'école instruit à ses élèves que le processus d'escalade (scolaire) conduit au succès. Mais ni dans le Nord ni dans le Sud les écoles n'assurent l'égalité. Leur existence suffit à décourager les pauvres, à les rendre incapables de prendre en main leur propre éducation. "L'école nuit à l'éducation". Les établissements d'enseignement nous conduisent à une situation paradoxale: il leur faut sans cesse plus d'argent et cette escalade budgétaire ne fait que renforcer leur puissance de destruction.
Biblio: Une société sans école (1971)
+ d'infos: http://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Illich
Repenser le savoir pour reformer l'école
Interview d'Edgar MORIN (président de l'agence européenne pour la culture, UNESCO) : Les écrits d'Ivan Illich n'ont jamais pénétré les esprits, sans doute parce qu'ils s'attaquaient aux bases profondes de notre civilisation. Son idée est d'instituer des "réseaux du savoir" à partir d'un bureau de coordination qui fournirait des enseignants correspondant à la demande de chaque élève. Pour se libérer du carcan disciplinaire. Sans aller jusque là, il faut s'en inspirer pour penser une réforme éducative. Au lieu d'asséner des vérités, l'école devrait montrer aux élèves pourquoi ils se trompent. En s'inspirant de la maïeutique socratique, l'école devrait aider les élèves dans la découverte d'un savoir auquel ils aspirent et qui correspond à leurs curiosités naturelles. La spécialisation close empêche la culture.
Biblio: Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur (2000), Dialogue sur la connaissance: entretiens avec des lycéens (2004)
+ d'infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Morin
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A suivre: Partie 2: les acteurs, et Partie 3: les passeurs
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Attention: je fourni les liens vers Wikipédia, mais cela ne signifie pas que ce qui y est écrit a été vérifié. Ils permettent surtout d'accéder à une bibliographie relativement complète et à d'autres liens.
Tags : benasayag, freire, gauchet, illich, J. Dewey, Le Monde de l'éducation, morin, owen, paquot, penseurs